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Anne Bossuroy à la Tate Modern avec le commissariat

 

Il y a toujours du charme dans la divagation. Et avec le travail d’Anne Bossuroy, elle ne vient pas du geste ou de la technique, elle réside dans ce qui fait l’image : dans son sujet. Par exemple quand l’artiste choisit de nous montrer un pélican, un scarabée, un yéti ou un câble électrique, elle sait qu’elle effectue un pied-de-nez, contre l’iconographie noble et les grandes thématiques de l’histoire de l’art. Ces motifs signalent aussi une imagination flottante, modeste et commune, aussi atemporelle qu’elle emprunte autant aux expériences de l’art brut qu’à la nature morte flamande. La technique quant à elle est parfaite.

Et étrangement c’est tout cela qui m'a fait penser qu’Anne Bossuroy serait partante pour un projet kamikaze. La conception, en quelques jours, d’une installation au sol avec deux artistes qu’elle ne connaissait pas personnellement (Maxime Thieffine et Wolf von Kries), plutôt connus pour leurs installations. La pièce finale qui fut à la fois la superposition de trois pratiques différentes, de trois groupes singuliers de travaux, et, pour beaucoup, une nouvelle œuvre aux multiples signataires, résulta d’une alchimie qui n’était en fait possible que dans la négociation et l’improvisation lente. On a eu de la veine. Plus concrètement, cet ensemble fortuit est apparu dans le fameux Turbine Hall de la Tate Modern à Londres, à l’occasion du chaotique festival des structures indépendantes No Soul For Sale.  Il s’agissait, pour le lieu d’exposition indépendant dont je m’occupe (Le Commissariat) d’avoir l’air bien vivant, tout en étant dans la gueule du monstre...

Les peintures d’Anne Bossuroy donc, à l'intérieur d'une superposition articulée de travaux et de matériaux bruts, n’en rappelait pas moins le dévolu décoratif de la peinture, son boulet, sa malédiction. Elles faisaient balancer l’ensemble vers le classicisme et la naïveté, tout comme elles le confortaient dans ses aberrations. Et surtout, au milieu de toutes nos tentatives d’orchestration de la panique, le regard ironique de ses petits animaux nous apportait un réconfort salvateur.

 

pour la monographie Anne Bossuroy, éd. de la Médiatine, Bruxelles ©2010