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  1. – Bon alors… L’art dans l’espace public ?…

  2. – Mmm…

  1. – L’espace public c’est quoi ?

  2. – C’est très simple, c’est un espace qui peut être traversé par tout le monde. Alors évidemment la rue est un espace public. Mais aussi un parc, une place… C’est un espace qui appartient à la collectivité. Mais que cet espace appartienne à la collectivité ne veut pas dire que tout le monde décide de sa forme ou de ses fonctions. C’est toujours un petit groupe qui décide pour tout le monde de tout ça.

  1. - ?

  2. – Alors la télévision peut être vue comme un espace public aussi, qu’on traverse de chez soi… Et puis pourquoi pas l’Histoire, des corpus de connaissances communes que chacun s’approprie, peut parcourir, dans lesquelles on peut s’arrêter, faire des pauses. Peut-être que la rue ou l’Histoire c’est la même chose : il y a un petit groupe qui choisit ses limites, ses directions…

  1. – Alors pourquoi mettre de l’art dans l’espace public ?

  2. – Ben c’est l’espace de visibilité par excellence ! Si on veut que quelque chose soit vu par le plus de gens possible, on le met dans l’espace public. Vous voyez le rapport avec l’Histoire…

    Et puis la plupart du temps, l’art est quelque-chose qui s’adresse à tout le monde, ou plutôt à chacun, pris en tant qu’individu. Même si on a une réaction intime à la musique, à la peinture, au théâtre, l’art vise une communication de masse.
  1. – Et est-ce que tous les artistes prennent ça en compte ?

  2. – Pas forcément volontairement. C’est clair que, même quand l’artiste veut s’enfermer dans une sorte de tour d’ivoire, au dessus du monde, projetant sur le monde l’idée d’être fondamentalement incompréhensible ou incompris, il pense en termes de communication de masse, son travail comme étant destiné au monde entier, même si parfois son travail est destiné à un petit groupe.

  1. – Alors l’art ce serait quelque-chose de fondamentalement collectif ?

  2. – Si on veut…

  1. – Je me demande si on ne peut pas récupérer cet aspect collectif à des fins de propagande ? Utiliser l’espace public et la volonté universaliste des œuvres pour transmettre une idéologie ?

  2. – Evidemment ! L’art a souvent fonctionné comme ça. Historiquement en occident, c’est l’Eglise qui s’est faite produire le plus d’œuvres, en fin de compte pour sa propre gloire. Et comme ces œuvres avaient aussi une valeur éducative ou pédagogique, et parfois des dimensions spectaculaires, on peut vraiment parler de propagande. L’art a toujours servi de faire-valoir, ou alors on a tenté de détourner le savoir-faire ou l’impact du travail des artistes. Puis après les révolutions du XVIIIème siècle, c’est l’Etat qui a repris le flambeau. C’est peut-être toujours comme ça aujourd’hui.

  1. – C’est très pessimiste comme point de vue. Un peu parano…

  2. – Je ne pense pas uniquement ça. Il faut considérer ces constats comme un point de départ possible ou une donnée historique parmi d’autres. Et bien-sûr on peut donner à l’art d’autres buts, d’autres déterminations.

  1. – Bon, je vois où tu veux en venir. L’art procure du plaisir, des émotions, de la réflexion, des étonnements, et blablabla. Ca peut aussi être parfaitement décoratif, alors là ça a un rôle d’animation. Je veux dire au départ on a une surface plate, et puis après une œuvre vient animer cette surface. Ce rôle d’animation est valable pour tous les secteurs artistiques, à mon avis.

  2. – Mmm… Nous sommes quand même en train de passer à côté du principal. Parce qu’en dehors des différentes façons dont l’art peut être instrumentalisé, si j’ose dire, il a d’autres particularités. Il y a d’autres phénomènes qui différencient une peinture d’une machine à laver, il me semble…

  1. – Comme ?…

  2. – Des significations. Je ne pense pas que Rimbaud puisse être réduit au récitations qu’on en fait à l’école primaire, c’est-à-dire à un de ses modes de diffusion, si tu vois ce que je veux dire…

  1. – A peu près…

  2. – Ben l’art peut être très proche d’une forme de conditionnement parce qu’il est éduqué, choisi, influencé, commandité, diffusé dans des objectifs et avec des critères plus ou moins précis, mais existants. On se dit que c’est un vrai espace de liberté, mais c’est peut-être en tant que spectateur ou en tant qu’artiste que c’est le plus difficile d’être libre finalement. Partout on veut nous faire avaler du tout cuit.

    Je veux dire aussi qu’au départ il y aurait une forme d’insoumission, de révolte, de colère qui surgit, et qui viendrait peut-être de l’artiste. Et là ça n’a rien à voir avec de la communication, contrairement à que je disais tout à l’heure, c’est un coté libérateur. Comme s’il avait deux tranchants.
  1. – Une épée ?

  2. – Héhéhé…

  1. – Je reprends : un pouvoir de communication qui peut être utilisé, mais qui peut aussi être dépassé par le coté rebelle, réfractaire de certains travaux.

  2. – Oui, on peut simplifier comme ça. C’est quand même un peu romantique comme point de vue… Mais l’intérêt c’est qu’on en revient à nouveau à ce qu’on disait tout à l’heure : l’art comme quelque chose qui engage le groupe, le collectif. Quoi qu’il en soit on ne sort pas d’une idée politique de l’art.

  1. – Ah oui ! Alors tout le monde discute de musique, de cinéma, c’est important pour un groupe. On peut partager des avis… Je dis ça même si ce n’est pas très original.

  2. – Il y a d’autres choses. Parce que quand on regarde ces objets artistiques, disons-le comme ça, ils ont du sens. D’où viennent-ils et avec quoi ont-ils été faits ? De quoi parlent-ils  justement ?

    Et puis, pour revenir à ce que je disais tout à l’heure, l’usage qu’on en fait peut être analysé d’un point de vue sociologique, psychologique, économique, etc. Bref, l’art a quelque-chose de très proche de notre vie quotidienne, de l’éthique, de nos actions, qui s’y réfère sans arrêt, les questionne de près ou de loin. Je ne suis pas très sûr, mais peut-être que ça engage toujours les attitudes, les modes de vie de chacun et de nous tous quand nous sommes ensemble.
  1. – C’est bizarre, c’est rigolo de penser que ce que j’écoute comme musique, ce que j’accroche au dessus de mon canapé peut avoir des résonances de type politique. Qu’est-ce que ces objets contiennent ? Pourquoi j’ai choisi ceux-là et pas d’autres ? Pourquoi je les consomme, si j’ose dire, qu’est ce que je voudrais dire quand je les montre ?…

  2. – D’un autre côté évidemment tu n’es pas obligé de te poser toutes ces questions. Peut-être que ces objets te font plaisir et puis c’est tout !

    De temps en temps il faut remettre l’art à sa place, le situer au milieu de toutes les activités humaines, et il y en a beaucoup qui peuvent être importantes aussi…
  1. – Oui, en fait je voudrais bien savoir pourquoi je prends du plaisir à une chose et pas à une autre et pourquoi ce sera complètement différent pour mon voisin ?

  2. – Je ne sais pas…

  1. – C’est compliqué…

 

 

 

 

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