|  | Henri-Georges Clouzot - Un réalisateur en oeuvres   du 11 octobre 2017 au 25 février 2018
 Musée Bernard d'Agesci26, av. de Limoges, Niort
  
 Avec Antonio Asis, Baptiste Baujault, Hans Bellmer, Martha Boto, Gaston Chaissac, Hugo Demarco, Groupe de Recherche d'Art Visuel, Julio Le Parc, François Morellet, Pablo Picasso, Meret Oppenheim, Nicolas Schöffer, Friedrich Schröder-Sonnenstern, Francisco Sobrino, Jesus-Raphael Soto, Joël Stein, Victor Vasarely, Yvaral 
 Les sculpture et objets d'anonymes d'Afrique du Nord, Akan et Baoulé (Côte d'Ivoire), Kota (Gabon), Bangala, Nkisi et Teke (République Démocratique du Congo)
 Et les oeuvres de Roger Excoffon, Florence Knoll et Jacques Saulnier
 Concevoir une exposition sur le cinéma est assez compliqué car son  objet, l’image mouvante destinée à une salle obscure, n’est pas  idéalement adapté à un parcours de visiteur, son temps de pause et de  réflexion, ou à l’inverse un trajet rapide. Il s’agit par ailleurs de  lui permettre de comprendre une oeuvre dont on ne peut montrer que des  extraits et de se baser, pour celui ou celle qui a vu les films, sur un  souvenir hypothétique.
 Une exposition sur Henri-Georges Clouzot  ne déroge pas à ces contraintes. Bien sûr il y a toujours la possibilité  de proposer un accrochage de documents : l’exposition qui transmet un  savoir en accumulant les informations et les traces, avec pour objectif  d‘enseigner quelque chose au spectateur.
 Mais elle se confronte dans  notre cas à différents écueils. Apporter des éléments informatifs sur  Clouzot dans un musée, n’est-il pas lui donner, une énième fois, un  statut de héros qu’il n’a pas recherché de son vivant et qui n’apporte  rien de plus à la littérature consacrée au personnage ? N’est-ce pas  aussi faire passer la figure de l’artiste devant ses oeuvres ? Ou à  l’inverse, n’est-ce pas se perdre dans des informations factuelles, des  anecdotes, sur ses films ou sa vie privée qui finalement n’ont pas  vraiment d’intérêt quand on se place dans la ligne de l’histoire de  l’art, laquelle demande plutôt que l’on comprenne le sens et les  articulations de son travail, la singularité de sa position d’auteur  parmi ceux de sa génération ? Enfin et surtout : comment faire le  portrait d’une personne que l’on n’a jamais rencontré ? Comment  approcher au plus près de faits historiques complexes ?
 
 Alors Un réalisateur en oeuvres est autant le portrait d’un personnage que l’image que nous nous en  faisons aujourd’hui. Clouzot est issu d’une famille de lettrés et  d’érudits niortais. Il « monte » à Paris à la fin des années 20 et est  intronisé à l’intelligentsia parisienne et à ses artistes par son oncle,  Henri Clouzot, directeur du Musée Galliera et expert en arts africains  et décoratifs. Ce dernier est par exemple le commissaire de la première  exposition de cinéma de l’histoire, dans son musée, en 1924. Côtoyant  des artistes de renom (Braque, Picasso, Dubuffet, Vasarely), ami des  figures du cinéma de l’époque (Jouvet, Montand, Signoret, Resnais,  etc.), Clouzot, collectionneur attentif et amateur d’art éclairé a en  effet fréquenté les artistes toute sa vie et a souvent noué des  relations d’amitié avec eux, dont l’emblème reste aujourd’hui Le mystère Picasso. Trois de ses films font la part belle aux arts visuels qui lui étaient contemporains : Le mystère Picasso donc (avec la musique de Georges Auric), L’Enfer, et son dernier film, un peu son testament, La prisonnière.  Ils sont tous les trois en partie les fruits de collaborations avec des  artistes de son temps. Pour notre projet nous faisons le pari à la fois  d’un portrait imaginaire et d’une exposition qui remplit le but  historique du musée au travers des artistes qui ont nourri la pratique  du réalisateur et qui ont souvent participé à ses films en créant des  éléments de décors, des dispositifs optiques, voire en devenant  eux-mêmes acteurs. Cela est particulièrement prégnant dans son dernier  film, La prisonnière, où le réalisateur nous montre un condensé  de ses obsessions et l’univers artistique dans lequel il vivait  (notamment avec un appartement reconstitué à partir de sa collection  personnelle et celle du galeriste Daniel Cordier), situant l’intrigue  dans une relation sentimentale entre un artiste, son galeriste et leur  égérie commune.
 On peut aussi déceler dans ce film les dispositifs du  cinéma qui font sa magie. Tout n’y est en fait que décor, projection,  et, dans une certaine mesure, exagération de la réalité. Clouzot montre  en effet dans La prisonnière deux environnements surréels : une  exposition cinétique inspirée des expositions de la galeriste Denise  René contenant un « Labyrinthe » confectionné avec les membres du Groupe  de Recherche d’Art Visuel, et l’appartement du collectionneur mentionné  plus haut. Le décorateur s’en donne à coeur joie, entassant presque les  pièces dans l’exposition, quand l’appartement devient une idéalisation,  par des objets, de l’état d’esprit de son propriétaire. C’est à partir  de ce deuxième regard sur la réalité, ce regard de la fiction, que nous  nous basons. Il n’y a pas lieu de penser une reconstitution historique  quand dans le film il s’agit déjà d’une sorte de pastiche, et  l’exposition à Niort, quoiqu’on en dise, est peut-être elle aussi un  récit fictionnel. Par contre les constructions de Clouzot nous montrent  clairement comment l’art et le goût de son époque étaient perçus, le  tout devant être suffisamment réaliste pour faire son effet, tout en  invoquant l’univers onirique du cinéaste, et devient à la fois un  autoportrait du cinéaste et le miroir de ce qui l’entoure.
 Les  témoignages du cinéma de Clouzot sont précieux par ailleurs aujourd’hui,  ils montrent des distinctions de classe, des habitudes, des mélanges,  des affinités de genres qui ont complètement disparus de notre  environnement. Ainsi ils nous permettent d’imaginer une époque et de  reconstituer le maillon d’une chaîne qui parcourt tout l’art du XXème  siècle.
 
 Un réalisateur en oeuvres est bien une  exposition d’histoire(s), mais elle est conçue avec une sensibilité et  un oeil forcément anachronique, ceux du recul historique, auxquels se  mêlent les prismes et les problématiques du commissariat d’exposition actuel, un art qui existe toujours en relation avec un contexte.
 
 
 
     
 
     
     
 
     
 
 
 Photographies Communauté d'Agglomération du Niortais |